Spoiler:

Il ne m’a pas fallu grand-chose. Juste un coup de fil. Un coup de fil que je n’aime jamais avoir. Celui où, quand on décroche le combiné, on tombe sur la voix rauque et détestable de son paternel qui décide de jouer le rôle de « père » pour vous dire des futilités dont vous vous en foutez royalement. Celui où pendant dix minutes, vous ne savez quoi dire et vous ne vous en donnez pas la peine, et donc vous laissez un silence gênant s’installer entre vous. Où le grésillement même en bruit fond est plus intéressant que le brouhaha qui émane de la gorge de celui qui a permis votre existence. Après, une fois cette pénitence enfin terminée, vous vous dites que vous êtes un monstre. Enfin « vous », pas moi. Moi je m’en fous. Il le sait très bien que je ne l’aime pas et que s’il venait à mourir ça m’indiffèrerait totalement. Mais bon, il continue de croire que l’hypocrisie avec laquelle je lui parle n’est qu’une facette de petite fille brisée. Oui, mon père est un adorable idiot.

Vu que tout est prétexte pour s’isoler encore plus du monde réel et oublier un peu cette cruauté qui vous force à vivre, et ne surtout pas avouer qu’on devient dépendant ou accroc à, je me décidai à partir au Wasteland. Il ne me fallut pas grand-chose. Une veste, une écharpe, un couloir sombre au fin fond d’une bibliothèque où même les âmes en peine ne s’y aventurent pas, et me voilà atterrie dans ce monde aussi étrange qu’orgasmique. J’avais pris l’habitude de partir dans à droite ou à gauche pour découvrir le côté « sauvage » de ce monde, mais pas aujourd’hui. Pour la première fois, je me décidai à visiter, ce que j’ai ouïe dire comme étant, « la ville qui n’existe pas ». Tout d’abord, je fus animé par un sentiment d’inconfort. Tout semblait comme irréel, complètement fou. Il y avait de la couleur partout, des formes incongrues, et surtout, il y avait des gens. Sur le coup, j’ai failli reculer et retourner à la vie bohème que j’avais l’habitude de suivre mais quelque chose sembla m’appeler, m’attirer, comme un aimant.

Je déambulai dans les rues, comme un fantôme. J’essayais d’éviter les gens mais mon corps ne suivait pas le même rythme que mon esprit. Mon regard se perdait dans les dédales de cette ville étrange alors que mes jambes continuaient de me guider à un endroit que je ne connaissais pas encore. Puis finalement, je me retrouvai là, face à une espèce de bâtisse qui semblait presque normale. Je voyais des gens entrer et sortir en riant. Je plissai les yeux un instant, inquiète de ce que je pourrais trouver. Ma main resta en suspend au dessus de la poignée quand je sentis une présence derrière moi. Je me reculai et me décalai sur le côté, pensant que la créature inconnue passerait par la porte sans crier gare, mais elle ne bougea pas.