ÉDIMBOURG:
MAIS C'EST UNE PUNITION D'ÊTRE ÉCOSSAIS!
« On est les plus nuls des plus nuls, le rebut de l'humanité. Le peuple écossais, c'est de la merde, la plus asservie, la plus pitoyable qui ait jamais été chiée depuis que la Terre existe. Ici, la plupart des gens haïssent les Anglais. Je regrette, c'est seulement des connards. Alors que nous, on est colonisés par des... par des connards. On a pas été foutus d'être colonisés par une race supérieure, on est gouvernés par des balais à chiottes. C'est le trou du cul du monde ce pays, Tommy, et ton air pur et tes grands espaces y peuvent rien, c'était foutu d'avance. »
Édimbourg et ses hauts bâtiments aux courbes morbides, aux clochers funestes, aux fenêtres brisés. Ville déchue, à laquelle tous ces abrutis croient encore, dur comme fer. Ils sont incapables de s'avouer vaincus, alors qu'ils le sont depuis toujours. Colonisés par un peuple de rosbiffs à la con, soumis à une Reine tout juste bonne à se pavaner dans ses affreux complets mauves dégueulis, bâillonnés depuis la nuit des temps, et ils ne sont même pas capable de pousser un simple gémissement, ou d'admettre la pure vérité: les écossais sont merdiques. L'Écosse est merdique. C'est le pire foutu endroit sur cette terre pour vivre. Il pleut 364 jours par an, et le dernier, il neige. Je hais cet endroit, et, pourtant, j'y suis né. Quinze longues années que je vis avec une inconnue. Je ne sais même pas comment je dois l'appeler: maman? tata? menteuse? Ouais, il fut un temps, elle était ma mère. Aujourd'hui, elle n'est que celle qui a menti pendant quinze ans. Elle n'est que la sœur de ma mère, et encore, si elle ne ment pas de nouveau. Je suis un gamin non-souhaité. Le genre de gamin qu'une mère abandonne devant la porte de sa soeur, avant de retourner danser sur les planches des cabarets parisiens. Le Crazy Horse, parait-il, puisque la carte postale que j'ai reçu hier, avec toute la vérité, portait cette enseigne, sur le devant. Ma mère est une pute, ma tante est une traitre, mon père est inconnu, ma ville est à chier.
J'en veux au monde entier. Gamin perdu, blessé, vexé, je ne rentrerai pas chez moi ce soir. La vie a voulu jouer au plus con avec moi, mais elle ne gagnera pas. Je erre dans les rues d'une Édimbourg déchue, décadente, sans âme, sans valeur. Je connais tant de visages sans savoir si ce ne sont que des masques. Je ne peux croire personne, puisque la seule qui comptait pour moi avait des mots envenimés et vides de vérité. Je m'assois sous un porche, dépose mon sac de cours à côté de moi. Je n'ai plus rien. J'ai tout perdu avec cette foutue lettre de Paris. Les larmes envahissent mes yeux, mais je ne les laisse pas couler. Les rues sont nues, désertes. Les murs sont sales, décrépis. Le ciel lui-même tire la gueule, et dépose ses pleurs sur le trottoir fissuré de part en part. Et moi, esseulé et malheureux, sans passé, sans présent, sans avenir. Plus rien. Seul au monde. Et les rares passants traversent la route sans même me jeter un regard. Pire qu'un chien, pire qu'un rat: j'ai cessé d'exister. Pour le monde entier, je ne suis rien. Je n'existe pas, pas même pour ce foutu pays de merde, avec ses habitants abrutis par des siècles de soumission volontaire. J'abandonne mon sac, vide de toutes façons, et je me mets à courir. Je cours comme jamais je n'ai couru auparavant. Je sens mon coeur accélérer, mon sang battre contre mes tempes, les marteler, mes yeux sortir de leurs orbites, chacun de mes muscles se crisper jusqu'à épuisement, je ne sens plus rien. Et je cours encore, comme si je fuyais ainsi toute ma vie, mon identité, comme si à chaque pas, je m'éloignais un peu plus du mensonge, de cette existence insensée. Si je ne suis rien, laissez-moi flotter, vous survoler sans effort, et rire aux éclats face à votre médiocrité. Laissez-moi m'élever tandis que vous chutez, car je ne suis pas comme vous, je vous hais tous, et je ne me reconnais pas dans votre minable espèce.
Mes pas me mènent à un terrain vague. J'y trouve un abri, un miroir. La végétation sauvage a envahit le champ abandonné, seule une cabane en ruine au bout semble tenir encore debout. J'y cours, refuse de m'arrêter, bien que mes poumons ne répondent plus, et que mon crâne semble vouloir exploser dans les secondes qui viennent. J'envoie un coup de pied monumental dans la porte en bois, qui s'écroule dans un crissement. Je bondis à l'intérieur de la hutte, et les larmes cessent de lacérer mon visage. Je me stoppe net. Pourquoi? Comment? Je suis perdu, je cris. Je hurle, donne des coups de poings dans mon abri, fait des trous ici et là, m'énerve plus encore, puis je finis en pleurs, le visage dans les mains et les mains sur les yeux, les genoux sur le sol rocailleux de mon nouveau chez-moi, le coeur qui s'enfuit par la porte de derrière, et une douleur réelle, hyperbolique, qui me tiraille les entrailles. Chacun de mes muscles brule, à tel point que je sens à peine mon corps. Je ne vis plus. Quinze ans, je signe mon arrêt de mort. J'ai tout fait jusqu'ici pour être un gamin bien, pour ravir celle que je croyais être ma mère, pour satisfaire mes profs, aider mes potes... Amas de conneries, que tout cela. La droiture, la dignité humaine, l'amour du prochain, la vérité, la sincérité, la vertu... Adieu, notions erronées, je ne crois plus en vous, je ne crois plus en personne. Cognez-moi, et je vous assomme. Je ne me laisserai plus jamais faire. Plus jamais. Car si personne n'entend mes cris, à présent, si personne ne vient m'aider, là, tout de suite, c'est que je n'existe pas, du moins aux yeux du monde. Je vais vous faire le plaisir de disparaître... Pour mieux hanter vos mémoires. Pour bientôt être un de vos regrets.
PARIS CENTRE:
JE VOIS TROP DE GENS, JE ME FOUS DE LEUR VIE.
« Entends le bruit que font les Français à genoux, dix ans qu'ils sont pliés, dix ans de servitude. Et quand on vit par terre on prend des habitudes, quand ils s'lèveront nous resterons chez nous. Paris, je ne t'aime plus. Paris du 1er mai avec ses pèlerines, et le beau syndicat qui reste à la maison. Ce sont les Marx Brothers oubliés par Lénine en mil neuf cent dix-sept place de la Nation. »
Qu'est-ce que je fous ici, bordel? Pourquoi? Pourquoi j'ai embarqué sur ce bateau à la con, pourquoi j'suis à Paris? J'sens plus mes membres. J'sens plus ma bouche. J'sens plus ma langue. J'sens plus mon esprit. J'ai jamais eu d'âme, mais c'est seulement maintenant que son absence est pesante. L'alcool qui coule à flot dans mes veines. Est-ce que j'ai
encore du sang quelque part dans celles-ci? Mes tempes battent au rythme de mon coeur depuis deux jours. Quarante-huit heures que j'ai pas dessoulé, si ce n'est plus. Je sens plus rien, et c'est génial. Mon fardeau, envolé. Mon angoisse permanente, évaporée. Le poids de ce corps, de ce tombeau, de cette prison, disparu. Je ne suis plus rien, enfin. Vide de toute substance, et c'est si bon d'oublier qui l'on est.
« Bonjour, je ne suis personne. ». Sensation d'ivresse constante. Je vole. Je flotte, pour être tout à fait juste. Volatile, aérien, éphémère, le lendemain n'existe pas, moins encore l'hier. Plus rien n'a de sens puisque, même moi, j'ai perdu tout mon savoir, ma mémoire. Présent. Je ne suis que présent. Et les rues illuminées de la ville des amoureux défilent devant mes yeux fatigués. Le goulot à la bouche. La bouteille dans la main. Les mots marmonnés, puis chantés, puis hurlés. La rage qui suit les pleurs, le rire qui suit l'horreur. Pantin désarticulé, marionnette sans marionnettiste. Paris est la ville du pêché. Je suis pêcheur parmi les pêcheurs. Juste une autre brebis égarée. Juste une autre silhouette sans visage, à l'abri de l'obscurité nocturne. Je vois des bonhommes. Je leur parle. Parfois ils me répondent. Je suis incapable d'analyser l'expression sur leur visage. Peur? Colère? Méfiance? Amusement? Condescendance? Ils doivent éprouver de la pitié pour ce gamin de seize ans, complètement bourré, qui erre dans des rues qui lui sont tout à fait inconnues. Mais je ne suis rien de plus, quelque part.
Paris. Je voulais voir Paris. Je voulais voir ma pute de mère, juste comme ça. Enfin, je pense. Il n'y a que cette raison qui soit un tant soit peu plausible. Sinon, pourquoi la France? Pourquoi Paris? Je ne supportais plus Édimbourg, certes. Et puis, je sombrai. Oui, je coulais, sans aucune bouée de sauvetage à l'horizon, pas la lumière d'un phrase, ni même une main tendue. Alors j'ai découvert que l'alcool réglait bien des maux, du moins les effaçait-il pour un certain laps de temps. Puis j'ai découvert qu'il n'y avait pas que l'alcool, qui en était capable. La drogue. Douce sensation. Planer, plus rien n'a d'importance puisque plus rien n'est réel. La frontière entre réalité et fiction se fait si fine qu'il est impossible de la distinguer. Et tout est beau. Agréable. Futile. Éphémère. Distrayant. J'ai quitté l'Écosse parce que je m'enfonçais dans la drogue, je touchais le fond. La sobriété n'avait plus sa place dans ma vie. J'étais sans cesse défoncé, ou bourré, souvent les deux. Je ne dormais plus, la nuit était pour moi source de plaisir. Tous ces soirs où je cherchais une demoiselle à séduire, que je suivais ensuite jusque chez elle, tout cela simplement pour ne pas dormir dehors. Et quand je n'avais plus le choix, seules les étoiles veillaient sur mon corps inerte. Je touchais le fond. Comme maintenant. Mais toucher le fond à Édimbourg, c'est bien moins sympa qu'à Paris. Ma main dans ma poche. La bouteille vide. Une pilule qui touche le bout de mes doigts. Les éclats de verres qui se répandent sur le mur après le choc. Mon cul s'échoue sur quelques marches de perron. Mes ongles s'empressent d'effriter avec impatience. Travail peu rigoureux, ce n'est pas de la poudre, il reste d'énormes cristaux. Mais je ne sens déjà plus mes narines depuis six mois, ce n'est pas quelques cristaux de plus qui m'achèveront. La deuxième moitié de la pilule dans ma bouche. Gout dérangeant sur la langue. Sensation d'une boule qui descend dans la gorge. Quatre lignes, parfaites. Droites. Fines. Aux courbes tout à fait charmantes. Aussi séduisantes qu'une jolie femme, que quatre jolies femmes, seins nues. Fouilles. Pas de billets. Nez à même le paquet de cigarette sur lesquelles se trouvent les lignes. Sniff. Narine droite: douleur. Sniff. Narine gauche: souffrance. Respiration, sourire naturel, yeux révulsés, se posant sur la voute étoilée. Tu vois ce que t'as fait de moi, mon gars? Mon bon Dieu, oui, un Dieu d'amour et de pardon. Alors pourquoi tu m'envoies pas juste un peu d'amour, hein, salopard d'égoïste? Je te dégoûte? J'dégoûte tout le monde, de toutes façons, et c'est pas à toi que je voudrais plaire, lâcheur. Moi aussi, tu me dégoûtes, du con. Tu m'as rejeté, alors qu'est-ce que tu veux que je fasse? J'ai sauté dans les bras de la première traînée venue: la rue. Puis je l'ai trompée, avec sa sœur: la drogue. Et maintenant, qu'est-ce que tu vas faire pour m'empêcher de m'autodétruire, hein? J'suis à Paris, du con! Même ton paradis est pas si beau. Sniff, sniff. Plus rien. Cigarette au bec. Immense flamme. Crépitements. Sensation de bien-être.
Je me lève, me retrouve sur mes pieds. Le monde tourne. Les maisons se transforment. Les lumières deviennent comme des lucioles dans l'éternelle nuit de mon existence. Les chats de gouttière muent en de merveilleuses créatures, tout aussi captivant que des sirènes, des centaures ou des chevaux ailés. Une musique dans ma tête. Joviale. Tout s'éclaire. Je danse, sautille sur mes pieds. Un arrière-gout de saxophone enraillé, une odeur particulièrement jazzy'. La ville de mes pêchés. La ville de ma débauche. La ville de ma salvation, qui sait? Serait-ce l'espoir que j'entends résonner tout au fond de mon être? Cabrioles au milieu de la route. Je me fous des feux de circulation, des indications des passants, du mécontentement général.
« Je me fous de vous, bande d'abrutis! Welcome Paris! Vous êtes des brebis galeuses, et vous êtes persuadés, encore, que vous allez vous en sortir! Vous n'irez pas au paradis, vous êtes déjà en enfer! ». Phrases morcelées hurlées par centaines. Est-ce de moi que viennent ces mots? Ce n'est pas ma voix, mais c'est bien mes lèvres qui remuent pour parler. Je parle. Je chante. Je danse. Je hurle. Je pointe du doigt. Oui, je souffre. Oui, j'ai peur. Mais j'ai l'espoir, enfin, je crois. Je touche le fond, mais j'ai pris une décision: je creuserai encore et encore, jusqu'à être bien sûr que je ne perde rien de cette merveilleuse perdition.
BANLIEUE PARISIENNE:
OUBLIER QU'ICI ON N'EST RIEN...
« Encore une nouvelle rentrée, encore peupler ce putain de lycée, encore traîner les rues et les cafés, encore fumer ma clope à la récré, encore se taire ou bien se révolter, et saluer mes frères apprivoisés. Encore attendre, encore apprendre. Mais y'a rien à comprendre. Encore mes frères qui meurent de l'autre côté, les fils de la lumière assassinée. Et moi qui rêve juste de rêver... Juste de quoi rêver encore. J'veux m'en aller. J'veux m'en aller, mais je veux pas crever dans cette inhumanité. Mais y' plus d'étoile dans le ciel. »
Maman? Maman c'est toi? C'est qui ce gars, maman? Ton client? Mais tu n'es pas danseuse? Tu as lâché le Crazy Horse, vraiment? Tu travailles dans la rue, maintenant... Maman, j'ai tellement de choses à te dire! Je suis ici pour toi, même si tu m'as abandonné, même si tu ne voulais pas de moi, moi je voulais te connaître, moi je voulais pouvoir te dire que malgré tout, et bien j'ai besoin de toi, parce que je n'ai personne. Maman, regarde-moi, laisses ce type, je suis là pour te sauver de ta vie de misère, parce que, ensemble, on pourra se débrouiller. Arrêtes, je suis là, maman! Déshabilles pas ce gars, viens me voir, parles-moi, réponds-moi! Qu'est-ce que... Pourquoi ce connard a mon visage? Eh! Maman, enlève tes mains, je suis ton fils, maman! Tu ne peux pas me toucher comme ça. Tu m'reconnais pas? Pourquoi est-ce que tu as menotté mes mains, maman? Lâches-moi, s'il te plait! Non je ne suis pas ton client, je ne veux pas, jamais! MAMAN ARRÊTES! Lâches mon sexe! Ne le porte pas à ta bouche, par pitié! Maman... Regardes-moi... Tu ne me reconnais même pas? Tu ne le sens même pas, que je suis celui que tu as mis au monde? Eh, vieille pute, je suis celui que tu as lâchement jeté dans un monde décadent, un monde déchu, un monde où une pétasse ne reconnait pas son propre fils, un monde qui n'avait plus rien de bon, et qui s'est enfui pour sucer des bites dans un autre pays. Je te hais, maman, et tes coups de langues n'y changeront rien! Tu n'es qu'un salope! Tu m'as abandonné, et tu as fuis. Moi j'ai fuis en abandonnant tout, pour toi. Et je te vois à genoux, le regard d'une allumeuse, les doigts habiles. Maman, tu me dégoûtes. Continues, suces, puisque c'est tout ce que tu sais faire.
Je me réveille en sursaut. Des mois que je suis incapable de dormir plus de deux heures à cause de ce foutu cauchemar... Je n'ai jamais trouvé ma mère, dans cette capitale. J'ai eu le temps de frôler la mort une centaine de fois, de tomber dans l'alcool, puis de découvrir le crack, de m'y attacher à la vie à la mort. Mes doigts tremblent. Je tombe du divan sur lequel je m'étais assoupi, et rampe jusqu'à une des petites pipes dispersées au sol. Mes dents grincent, je sue. Je veux un hit. Juste un hit, s'il vous plait. Contact sur mes lèvres. Crissements du briquets. Tremblements. Flamme. Crépitements. Orgasme. Un nuage de fumée s'élève, danse un instant avant de se mêler à la couche de fumée au plafond. Presque un mois que je ne sors de cette chambre d'hôtel que pour me procurer du crack, ces salvateurs cristaux. Je ne mange plus. Ne dors presque plus. Je ne fais que me droguer, avec la musique qui tourne en permanence, bloquée sur du rap français, us, ou bien sur de l'electro, ou mieux encore, du rock à la joy division, qui, je dois l'admettre, me fais voyager. Je m'imagine ma mère à l'image de toutes ces prostituées que j'ai ramené dans mon lit. Après tout, elle ne doit pas être si différente puisqu'elle ne bosse plus au Crazy Horse depuis une dizaine d'années. Peut-être même l'ai-je déjà ramené chez moi, peut-être que j'ai fourré ma propre mère? Trois ans dans cette foutue ville, et déjà, je m'aperçois qu'elle n'est que la jumelle d'Édimbourg. Elle a sucé tout mon sang et m'a offert, en échange, la déchéance, la dépendance et la répugnance. Jamais je ne me suis vu si maigre, si squelettique, si cadavérique. Je ne ressemble plus à rien, je suis une forme flottante, errante. Je me hais.
La banlieue parisienne ne m'aura apporté qu'une chose: l'amour pour le rap français, et, avant que je ne tombe dans la drogue, la facilité de se faire de l'argent en vendant simplement quelque substance peu licite. Pour le reste, elle ne m'aura que montré une image plus détériorée de l'être humain que je n'avais auparavant. Mesdames et messieurs, vous avez devant vous, moi, humble narrateur, parfaite allégorie de la bêtise humaine et de ses faiblesses. Avant, j'avais peut-être un avenir? Mais ces illusions, qui emplissaient mon cœur et réjouissaient son esprit se sont évanouies les unes après les autres, à force des coups que j'ai pris. Je ne suis pas invincible. La drogue m'a transformé, de victime, je suis devenu esclave. Aujourd'hui, vous, bonnes consciences de notre société, vous me regardez, méfiants, prêts à marmonner à votre voisin Ô combien ce sale junkie gâche votre vie en menant simplement la sienne. Mesdames et messieurs, laissez-moi simplement crevez dans mon coin, c'est la seule chose que je suis encore apte à faire. Et laissez-moi m'imaginer baiser ma mère comme cette pute l'a fait avec moi à ma naissance, laissez-moi au moins m'imaginer me venger, puisque je n'aurais jamais l'occasion de le faire vraiment. Laissez-moi écouter ce rap, laissez-moi m'endormir sur des voix brisées, sur des mots désenchantés, sur un manque d'espoir qui se retrouve dans le désert de mon cœur.
LONDRES:
LONDON IS A MODERN BABYLON.
« There's a whole in the world like a great black pit, and the vermin of the world inhabit it, and its morals aren't worth what a pin can spit, and it goes by the name of London. At the top of the hole sit the privileged few, making mock of the vermin in the lonely zoo, turning beauty to filth and greed... I too have sailed the world and seen its wonders, for the cruelty of men is as wondrous as Peru, but there's no place like London! »
Une dose. Une dose. Pitié rien qu'une dose. Une cure de désintox ne suffit pas à ôter au drogué toutes ses addictions. Je suis parvenu à quitter mon seul amour, le crack, mais me suis rapproché de ma douce amante, l'alcool. J'ai lâché Paris, sur les conseils des docteurs. Londres, me voilà. Mais je n'ai plus l'espoir que j'avais en arrivant en France: Édimbourg, Paris, Londres: toujours les mêmes enculés à la tête de l'état, toujours les mêmes abrutis qui lèchent leurs bottes, toujours les mêmes désespérés qui dorment sous des cartons dans les rues. Écosse, France, Angleterre... Toujours le même bordel. Je me suis lancé: on m'a dit de toujours m'occuper l'esprit, de
trouver une raison de vivre. Alors je me suis mis au rap. Bilingue. Le plus conscient possible. J'existe à travers mes mots. À travers ceux des autres. Ça fait un an que je suis à Londres, et je ne fais que ça: rapper, dealer, fumer, boire, fêter, baiser -mais j'évite les putes, maintenant-, faire quelques contrats pour des gens
non-fréquentables, et je bosse sur les docks. Non, le dernier non plus n'est pas légal. Souvent, il s'agit de décharger des caisses qui ne contiennent ni poisson, ni viande fumée, et de les envoyer à l'acheteur. Je préfère ne même pas savoir ce que c'est. Drogue, armes, je n'en ai plus grand choses à foutre. Ce pourrait être des fillettes droguées que je le ferai quand même. Je vous parlais de rap conscient, tout à l'heure, mais je sais parfaitement que j'existe pour vivre dans l'illégalité, dans la marginalisation, dans le crime. Les fillettes droguées, ce ne sont qu'une image: j'ai perdu toute ligne de conduite, j'ai creusé le fond de ma cage, mais pas pour m'échapper, non, mais bien pour m'enfermer plus encore, et m'isoler du monde que j'entrevois entre les barreaux. Je ne veux plus de ces chaines de bonne conscience, j'ai choisi les œillères, à la place.
Ouais, Londres c'est mignon. Je pense que je suis mieux ici qu'ailleurs, mine de rien. J'ai mon appartement, mon rap, mes clients, mes employés, mes sources, mes fournisseurs, mes potes... Ma mère a cessé de me hanter. J'ai enfin décidé d'envoyer une lettre à ma tante, pour la remercier et m'excuser. Mais je n'ai écrit aucune adresse pour l'expéditeur. Quand l'odeur du crack vient chatouiller mes narines, je manque à chaque fois de chercher sa provenance pour en profiter encore,
rien qu'une fois. Vivre avec une ancienne dépendance est difficile. On a besoin de consommer « encore » toujours. En permanence. On ne pense qu'à cela. Qu'au gout que ça a, son odeur, ses effets, la sensation qu'on éprouve, le nirvana qu'on frôle... L'impression de pouvoir sauver le monde, le changer, du tout au tout. Parfois, entre deux morceaux du Ministère AMER, les bérurier noir crachent leur venin à travers mes enceintes. Je les ai vu sur scène quelques jours avant de fumer du crack pour la première fois, à Paris. Ils m'avaient transportés. Aujourd'hui encore, ils sont un modèle. Je retrouve peu à peu gout à la vie, même si je me sens plutôt pantin errant qu'irremplaçable être humain.
Souvent, je me vois descendre dans la rue, l'arme à la main, et BANG BANG. J'imagine les têtes exploser, les ventres troués, je me sens appuyer sur la gâchette, encore et encore, je vois les escouades de flics décimés par mes tirs incessants. J'imagine les cris, m'enveloppant, ces pauvres poules mouillées qui courent partout, qui découvrent qu'ils sont, en fait, mortels. Les âmes qui s'échappent des corps qui tombent un à un... Je cris des conneries, à propos de la mort, du paradis, de cet enculé de Dieu, tout en distribuant l'horreur autour de moi. Ouais, je les vois à mes pieds, enfin silencieux. Et j'ose à peine espérer le lourd silence qui viendrait s'installer suite à la tempête, le jour où l'humanité ne sera plus, où les rues seront vides, où les immeubles s'effondreront sans personne pour commérer ou commémorer. Oui, je rêve de cet instant où l'univers entier sera enfin débarrasser de cette plaie qu'est l'Homme. Ou bien de ce jour où celui-ci ne sera plus une erreur. Je veux briser. Je fais de la boxe, quelques heures par semaine, c'est le seul moyen que j'ai trouvé pour contenir ma profonde haine de l'humain. Rapper, boxer... C'est la même chose. Tu trouves la meilleure stratégie pour frapper le plus fort possible, et pour blesser au maximum.
LA FIN?
THIS IS THE END...
« J'aurais aimé t'aimer comme on aime le soleil, te dire que le monde est beau, et que c'est beau d'aimer. J'aurais aimer t'écrire le plus beau des poèmes et construire un empire juste pour ton sourire. Devenir le soleil pour sécher tes sanglots et faire battre le ciel pour un futur plus beau... Mais c'est plus fort que moi, tu vois, je n'y peux rien: ce monde n'est pas pour moi, ce monde n'est pas le mien. »
Lettre à un fantôme, démon de mes nuits, la veille de ma mort:Maman,
J'ai perdu l'espoir d'un jour te rencontrer. Je t'ai peut-être déjà croisé dans ces rues obscures alors que je cherchais réconfort dans les bras d'inconnues, j'ai peut-être même couchée ces inconnues dans ces lits crasseux où d'autres t'ont couché, j'ai erré dans Paris, ville idéalisée pleine de désenchantements plus que d'amour, et j'ai fini par oublier qu'un jour, j'avais vécu. J'ai joué le rôle de l'orphelin délaissé tant et si bien que je m'y suis identifié, et j'ai créé moi-même mon malheur, pleurant mon âme perdue en inspirant de grandioses bouffées de mon seul amour, la drogue, l'oubli, le néant. Maman, je t'ai tant rêvée, tant imaginée, puis je t'ai oubliée quand mon esprit ne devint plus que fumée vaporeuse. J'ai consacré toutes ces années à un seul but: celui de te serrer dans mes bras. Et puis, le jour où j'ai compris que, si je te retrouvais, je t'étranglerai jusqu'à ce que mort s'en suive, et bien j'ai effacé l'idée que tu existais, et j'ai fuis pour Londres.
J'aurais pu te dire qu'au fond, j'y crois encore, que, peut-être, tu m'aimes encore... J'aurais pu t'écrire que j'ai toujours la foi en Dieu, en l'humanité, en la famille, en la carrière, mais ce serait mentir. Je ne crois pas en rien. Ce n'est pas ça. Je ne crois juste plus du tout. Ça m'évite les déceptions: je ne me fais plus d'illusions. Si je n'ai ni père, ni mère, alors je n'ai pas non plus de Dieu. Je me contente de ce profond mal-être qui me ravage l'être. Je n'ai ni besoin de toi, ni de papa, ni de ce Dieu qui n'a pas lieu d'être. Je ne veux pas de cette société, je ne veux pas de cet argent, de ce travail, de cette vision idyllique de la famille, de ce culte des stars, de cette automatisation progressive de l'être humain, de cette commercialisation de l'art, de cette régression continue, de cette suffocation inesquivable... Je n'ai plus besoin d'aimer: ce mot non plus, je n'y crois plus, il est vide. Il ne me reste pourtant plus que ça: les mots... Aussi vides soient-ils. Même eux perdent leur sens. Puisque je peux dire ou écrire n'importe quoi; mensonges, vérité, quelle différence, à présent? Non, tout s'est cassé la gueule, et je me suis laisser chuter. J'ai même creusé encore une fois au fond du gouffre: il n'y avait que ça à faire pour m'occuper l'esprit en attendant la mort.
Oui, maman, j'ai le mal de vivre, et c'est parce que je suis sortis de ta chatte. Mais puisque c'est ainsi, je me passerai de ton aide. Cette lettre, tu ne la liras jamais, comme tu ne verras jamais mon regard sur toi, mon sourire en réaction à tes mots, comme tu ne ressentiras pas tout l'amour que je t'ai donné sans même te connaitre. Accoudé à la fenêtre de ma chambre de bonne, j'observe Londres. Observer les villes dans toutes leur médiocrité ne me fait plus ni chaud, ni froid. Dans quelques minutes, on viendra toquer à ma porte. J'ouvrirai, déposerai un sachet pleins de cristaux qui furent -autrefois- mes derniers espoirs dans une main tremblante, prendrai les quelques billets ici présents, puis fermerai la porte. Ma vie s'est trouvée une routine, finalement, entre clashs et barrettes, entre rap acharné et redistribution illicite. Finalement, je subsiste sans effort, gâche la vie d'autrui pour exister, bosse sur les docks pour des gros bonnets et je ne pose pas de question: ils payent. Je m'enlise dans la criminalité, et chaque jour, je prie pour qu'on m'arrête, qu'on me tire dessus, je supplie le ciel de me permettre de quitter ce monde à la con. Je ne suis pas fait pour ça. Maman, tu m'as jeté dans une arène, où les lions me tournent autour sans jamais m'attaquer. Démoniaque dompteur, donne ton dernier ordre, je veux partir, laisses-moi m'échapper: je suffoque, mais tu m'offres toujours assez d'air pour survivre. Cette torture dure depuis trop longtemps, maintenant, cesses ton jeu. La vie est morne. Je suis né trop tard dans un monde trop vieux: ce monde n'est pas le mien, Maman.
Puisque tu m'as privé d'amour, d'identité, de mère, de père, d'enfance, tu m'as arraché la capacité d'être heureux. Je ne crois plus, maman. Pas même en toi.
Et pourtant, cette lettre d'adieu, vois-tu, je l'écris en pleurant. Je mens, maman. J'ai besoin de toi. Cette lettre, c'est à la fois mon testament et mon appel à l'aide. Sauves-moi, maman. Je veux retrouver la foi. J'ai peur de la mort.
LE BROUILLARD:
LOST ON THE DARKSIDE OF THE MOON
« You see that pack of Virginia killing sticks on the end of the piano? All you need to know about life is retained in those four walls. You will notice that one of your personalities is seduced by the illusions of grandeur - the gold packet of king size with a regal insignia, an attractive implication towards grandeur and wealth, the subtle suggestion that cigarettes are indeed your royal and loyal friends, and that, Pete, is a lie. Your other personality is trying to draw your attention to the flip side of the discussion, written in boring bold black and white, it's a statement that these neat little soldiers of death and in fact trying to kill you and that, Pete, is the truth. Oh, beauty is a beguiling call to death and i'm addicted to the sweet pitch of its siren. That that starts sweet ends bitter, and that which starts bitter ends sweet. That is why you and i love the drugs and that is also why I cannot give that painting back. now please, pass me a light. »
Chaines autour des poignets, collier sur la gorge. Liens sur les chevilles, étau autour du cœur. Camisole de force qui se rétracte de plus en plus, qui étouffe encore et encore jusqu’à suffocation. Humanité entravée, soumission partiellement volontaire. Étreinte sans fin avec la mort, mort cérébrale, mort du corps, mort de l’être. Déchéance de l’âme, perte de l’esprit, torture éternelle imposée, torture éternelle inévitable.
Pas de futur, plus de passé, un présent déchu, une vie sans saveur. Un goût âpre, une odeur agressante, une texture détestable, un aspect fade, un ensemble sans charmes. Une histoire qui n’en a plus, qui n’apprend plus, qui n’avance plus. Répugnante, stagnante, solitaire. Un individualisme qui se nourrit de la compassion, un mal qui ne se vainc pas.
Tumeur tenace. Cancer indomptable, parasite mutant, qui évolue de ses échecs. Découragement progressif, découragement vorace. Élevé pour la guerre, adorateur de la barbarie. Idolâtrie de l’autodestruction, excitation dans la souffrance. Tempête de désirs étouffés, séisme d’insatisfaction constante. Course folle contre le temps, effrénée contre la mort. Regarder la fin avec supériorité, avec pédanterie, pour mieux la vaincre, mieux l’esquiver.
Haine, rage, déchéance, agitation désespérée. Le souffle court, le cœur qui lâche, chaque muscle éreinté, regard éprouvé. Poursuivre, ne pas cesser. Capitulation niée, impression de liberté… et pourtant, servitude ininterrompue, fuite impossible, cage sans issue, liens trop serrés pour s’échapper.
Mensonge à soi-même, mirage de la liberté. Espoir exaspéré, espoir inutile, servile, ridicule. Enfermement, emprisonnement. Perte de contrôle. Glissement vers l’enfer, d’un paradis déchu à un enfer d’illusion. Cercle vicieux, victime de l’espoir, victime de la foi. Transe épuisée, désillusion irréelle. Chute libre, sans attache. Perte totale de repère, mutation toxicomane, étreinte alcoolisée. Évanouissement de la pensée, crise de manque, manque d’espace, manque d’air, manque de liberté… Manque d’espoir.
Reniement des valeurs, bouleversement des principes, chute, chute, chute de tout, chute de tous. Arrêt complet des machines, pause de l’évolution, régresser, régresse pour mieux déchoir. Tomber d’un piédestal et s’en trouver un autre. Perte de contrôle. Danse macabre incontrôlée, danse funeste jusqu’à la mort. Plus de chaines, plus de lien, plus rien. La mort, la mort quand on perd le contrôle.
Volonté innée, recherche éternelle d’un but, d’un objectif, espoir d’un meilleur, illusion de victoire, possible bonheur, malheur incessant. Proximité, tu caresses le ciel du bout de tes griffes sales, tu frôles les nuages, de ton regard de cendre. Trop vain pour l’atteindre, trop bas pour le comprendre. Profane, pourtant, tu vois, tu sens. Torture sensitive, souffrance désillusionnée. Perdu dans le néant, errant dans le vide, tu veux t’élever, tu veux grandir, tu ne veux plus imaginer, tu veux vivre. Mais tu ne peux pas. Tu te résous peu à peu à ta condition, acceptation forcée de l’insatisfaisant, interdiction formelle de la beauté. Tu traînes ta carcasse à travers les landes désolées, tu croises des visages aussi laids que le tien. Laideur ininterrompue, celle des illusions perdues. Celle des rêves entravés, celle de l’absence de liberté. Laideur qui se reflète sur le monde auquel tu es, pour toujours, attaché, monde duquel on ne réchappe pas. Tu es né dans le silence, tu mourras dans la souffrance. La mort est ton quotidien, tu t’habitues à l’idée qu’un jour, enfin, tu ne seras plus rien.
Inexistence consolatrice quand la vie est synonyme du triste. Nouvel espoir, le dernier. Ultime possibilité : la mort, la fin. Le repos, enfin. Tu perds le contrôle : tu n’en as plus besoin. Tu perds le contrôle, et tu te sens bien. La laideur disparaît. La beauté du ciel t’envahis. Tu ne sens plus. Tu n’es plus. Et tu es bien. Tu perds le contrôle… Enfin.
LE TEENAGE WASTELAND:
WE'RE ALL MAD HERE...
« Seigneur Dieu à Quatre Pattes! Y a-t-il un prêtre dans cette taverne? Je veux me confesser! Je ne suis qu'un salaud de pécheur! Véniel, mortel, charnel, mineur ou majeur — quel que soit le nom que tu lui donnes, Seigneur... Je suis coupable! Mais daigne m'accorder une toute dernière faveur : avant de lâcher le couperet, donne-moi rien que cinq heures de plus pour foncer à mort ; laisse-moi seulement me débarrasser de cette saloperie de bagnole et me tirer de cet horrible désert. Et c'est vraiment pas te demander le bout du monde, Seigneur, car l'ultime et incroyable vérité est que je ne suis pas coupable. Tout ce que j'ai fait, c'est de prendre tes salades au sérieux et t'as vu où ça m'a mené? Mes instincts chrétiens primitifs ont fait de moi un criminel. »
Deuxième maison, quand la réalité perd son réalisme, et la fiction gagne en crédibilité. Fuite, échappatoire... Le dernier moyen de survivre, peut-être une technique pour enfin vivre pour de bon? Je retrouve la foi, je retrouve l'espoir. Au début, je n'y comprenais rien, bien sûr... Mais maintenant, je suis tomber fou amoureux de ce monde à conquérir, à découvrir, à améliorer, à conserver, à protéger. J'ai enfin un but. J'ai enfin une raison de me réveiller, de me lever, de respirer, d'exister. Je veux défendre le Teenage Wasteland, je veux transformer ma vie en une utopie, et peu m'importe si je perd le peu qu'il me reste, tant que mon sauveur peu continuer d'évoluer. À peine ai-je découvert le Wasteland, alors que je me plantais une lame dans le corps, j'ai compris qu'il était comme une seconde chance, à toutes les échelles. Pour moi et ma volonté morbide de mettre fin à mes jours, pour les rêveurs qui veulent encore espérer, pour toute l'humanité: ce monde lui propose de recommencer, en mieux. Mais bien sûr, personne n'apprend de ses erreurs. Je hais le Gourou et sa politique sans couille, il n'a pas le courage de contrer les actes violents des Pollueurs, il est conservateur et instaure tant de règles qu'il fait la même connerie que les gens au pouvoir dans notre monde: il nous étouffe. J'ai rallié les rangs de Cyriac.
Oui, les rebelles. Et avec eux, j'ai découvert une famille, un foyer, un endroit où il fait bon vivre. Le Wasteland est une nouvelle opportunité, pour moi. C'est la possibilité de me relancer, avec, cette fois, toutes les cartes qui m'avaient tant manqué entre les mains. Au début, j'ai voulu fuir la bataille lovers-rebelles, mais j'ai vite compris que je ne pourrais jamais m'en détacher totalement: je suis naturellement indigné. Et j'ai la rage de défendre mon bonheur, maintenant que j'en ai trouvé un embryon. Je veux le voir fleurir, grandir, éclore. Je veux qu'il puisse exister. Et le Wasteland peut m'y aider. Pourtant, plus le temps passe, et plus il est difficile pour mon esprit de comprendre que je dois aussi vivre dans mon monde de base. Mais je le hais. Alors je rappe, de façon désabusée, à peine engagée, cynique, sarcastique et polémique. C'est tout ce qu'il me reste, dans ce qu'on appelle réalité. Mais cette fois, je m'en sortirai. Parce qu'il me suffit d'un peu de drogue, d'un orgasme ou d'une visite dans le squat à côté du mien pour vivre et respirer sans souffrance.