me and the devil ;

Le visage asséché par la peur ; cinq couches de maquillage pour dissimuler ce sourire en diagonal qui chute de mon visage depuis trois semaines. Des lunettes noires accrochés à mon nez, je jette un coup d’œil derrière mon épaule. Rien, personne. Rassurée. Tout le chemin du retour, je vérifiais qu’il n’y ait bien que mon ombre, et uniquement cette silhouette noire sans chaire, qui me suivait. La main dans la poche, prête à dégainer l’opinel de mon père. Je n’ai pas l’habitude de baisser les yeux lorsqu’un passant me reluque, mais là, cette peur automatique me faisait fixer ses pieds comme une jeune fille de douze yeux qui rougit au passage d’un homme. Arrivée à la porte de mon hôtel, j’examine les couloirs pour voir si je suis vraiment seule. Et je refermai à double tour la porte de ma chambre, afin que personne ne puisse y entrer. Me voilà en sécurité, cloitrée dans mon 12m2. Je jette mon sac et mes clés sur le lit, et tire une cigarette de mon paquet. La cigarette de la sérénité. Une image reste gravée dans ma mémoire, et la peur se réanime dès que je viens à Paris. Ce regard de tueur. Ces traits grossiers. Et cette peau carbonisée. Et puis, ce sont ces mains qui entourent mon cou. Ces lèvres, vulgaires et larges, qui m’embrassent la joue. Ces canines de chien, qui rongent mon épaule… Et mon souffle haletant, ma gorge serré qui bloque tous les cris. Je veux hurler au crime, mais rien ne sort. Ma voix a foutu l'camp, comme mon courage. Je reste planté là, attendant du monstre, qu'il joue avec sa poupée. Je me déteste en muet, je ravale ma rengaine. Du goudron dans mes poumons. Et mes peurs s’évaporent dans le noir opaque de la nuit.